La communauté locale de la Tech française connait bien Reza Malekzadeh, le président de la French Tech San Francisco depuis sa création mais nous avons eu envie d’aller plus loin et de comprendre comment il avait fait pour mettre en avant ce qu’il appelle « la marque France ».

En quelques mots, vous êtes qui Reza Malekzadeh ?

J’ai une double casquette, je suis associé dans le fond d’investissement Partech où j’investis principalement dans des sociétés de technologies B2B qui sont plutôt axées sur l’infrastructure, la cybersécurité, et les logiciels de datacenters et je suis aussi Président de la French Tech San Francisco où j’essaie d’animer la communauté et de promouvoir la marque France

Vous avez passé une grande partie de votre carrière professionnelle dans la Bay Area. Pourquoi avoir monté ou participé à pas moins de trois associations de réseautage et un tel engagement dans le networking professionnel ? 

Quand je suis arrivé en Californie, j’ai trouvé qu’il y avait certaines communautés qui étaient très, très fortes et très actives comme la communauté indienne ou la communauté israélienne car elles faisaient un super job à s’entraider, à se mettre en avant et à se soutenir. Mais j’ai aussi constaté que les français n’en faisaient pas assez. Pourtant notre communauté avait des talents et des choses dont ils pouvaient être fiers. 

Naturellement, je me suis investis dans le réseau des anciens d’HEC mais en discutant avec les autres représentants d’association d’alumni, les Polytechniciens, les Centraliens, les ESSEC… J’ai constaté que chacun représentait un petit groupe dans son coin, mais qu’il n’y avait pas de masse critique pour aucun d’entre nous. 

Alors, nous avons décidé de nous fédérer sous le nom de French Alumni et nous avons créé un board participatif qui représentait les différentes associations pour être plus nombreux et plus forts. Nous avons réussi à avoir des événements avec de plus en plus de participants, du contenu plus intéressant, et finalement les gens se retrouvaient plus souvent.

Il n’y avait pas de business model, pas de mission, pas de membership à payer. Quand on faisait un événement, on demandait à chaque participant de payer une petite somme pour couvrir les frais mais tout était dans un esprit purement associatif. 

Ensuite quand l’initiative de la French Tech a commencé et que j’ai eu l’opportunité de rencontrer des membres du gouvernement, j’ai été particulièrement séduit par leur volonté de confier cette initiative à des membres de la société civile. Cela soulignait clairement le caractère local de cette initiative.

C’est en 2016, à l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron à San Francisco, alors Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, que nous avons créé la French Tech San Francisco. Cette organisation a été portée par French Alumni dans un premier temps mais est devenue, petit à petit, une entité à part entière.

Il était alors important de mettre en avant la marque France qui avait été mise à mal avec l’affaire Dailymotion en particulier. Le fait que la France ait bloqué la vente de l’entreprise était encore dans les esprits des investisseurs de la Silicon Valley. Il fallait que le regard de la Silicon Valley sur la France soit plus positif et aujourd’hui l’entreprenariat français ne suscite plus de réaction négative. L’initiative locale French Tech a donc plutôt bien fonctionné. 

Aujourd’hui, en tant qu’entrepreneur ou investisseur, il existe de nombreuses possibilités de réseautage dans la Baie. Pourquoi s’intéresser à la French Tech San Francisco ? Qu’est ce que cela apporte de différent de la FACCSF ou de FrenchFounders par exemple ? Quelles sont les synergies entre ces différents réseaux ? 

Fondamentalement la French Tech est une association à but non lucratif sans business model, tous les membres du board sont bénévoles et donnent de leur temps. Elle se distingue ainsi d’autres structures qui sont soit à but lucratif, soit vendent des prestations de conseil ou autre. De plus, que ce soit FrenchFounders ou la FACCSF, ces organisations n’ont pas pour vocation de se limiter à l’industrie de la Tech. La French Tech comme son nom l’indique, est exclusivement centrée sur la Tech et nous ne mettons en avant que l’écosystème Tech et son entreprenariat. 

Depuis quelques temps déjà nous collaborons, nous partageons nos calendriers, nous faisons des événements avec la FACCSF ou encore avec FrenchFounders. Nous avons organisé Bastille day dans la Silicon Valley avec la FACCSF en juillet ou encore un panel sur l’Intelligence Artificielle en avril avec FrenchFounders. 

Qui peut faire partie de la French Tech San Francisco ? L’organisation est-elle réservée aux entreprises françaises avec une structure juridique française ?

Absolument pas ! La French Tech, c’est promouvoir la marque France au sens large. Alors cela peut être une entreprise française qui vient s’installer dans la baie, des entrepreneurs français qui développent une entreprise avec des capitaux étrangers dans la Silicon Valley, des français avec des beaux postes dans des entreprises comme Google ou Meta… On y trouve par exemple Platform.sh ou Odasseva qui sont des entreprises françaises mais dont les CEO sont en Californie, ou encore Pierre Betouin qui avait cofondé Sqreen vendu depuis à Datadog, et aussi les fondateurs de SnowFlake… C’est très varié.

A la French Tech San Francisco, nous valorisons l’expertise française. Dans le dernier panel sur l’Intelligence Artificielle en avril, nous avons fait intervenir les français Luc Julia et Emmanuel de Maistre mais nous avions aussi des intervenants américains. 

Combien de personnes compte le réseau French Tech San Francisco ?

Comme il n’y a pas d’adhésion, notre jauge est le nombre de participants aux événements que nous organisons. Pour les deux grands évènements annuels, nous regroupons environ 250 personnes. Quand nous faisons un événement à contenu ou de networking, nous avons entre 50 et 100 personnes. En tout, notre fichier compte environ 2500 noms.

En majorité les événements ont lieu sur San Francisco pour faciliter la participation des personnes habitant Marin County mais on s’assure de faire aussi des événements dans la Silicon Valley. 

Voyez-vous une évolution du profil des entrepreneurs depuis deux ans ? La Silicon Valley reste-t-elle l’aimant des entrepreneurs comme elle l’a été auparavant ? 

Avec le COVID, il y a eu un arrêt de nouveaux arrivants, car il était juste légalement impossible de venir. En parallèle, les conditions d’obtention ou de renouvellement de visas pour les ressortissants non américains se sont durcies, et cela a impacté l’éco-système.

Mais j’ai le sentiment que les arrivées reprennent en particulier avec la vague de l’AI, car les talents français sont particulièrement bien positionnés dans ce domaine. A nouveau, cela attire beaucoup de monde, y compris des jeunes.

On entend que c’est la fin de la Bay Area mais je n’y crois pas. J’ai vécu la même chose en 2000 et en 2008, c’est cyclique. Regardez, le trafic routier a déjà repris sur la Highway 101 !

Il est vrai que d’un point de vue macro, il y a des entrepreneurs qui s’installent ailleurs, à New York par exemple et que la Silicon Valley doit faire face à un certain niveau de concurrence ; mais les laboratoires de recherche, l’écosystème que forment les startups et les universités, les gros laboratoires des Google et autres et enfin les fonds, sont toujours dans la Bay Area. 

Voyez-vous une évolution du profil des entrepreneurs français qui arrivent dans la Bay Area ? Vous rencontrez des gens mieux préparés ?

Sans aucun doute, j’ai vu une énorme évolution sur toutes ces années d’abord parce que les étudiants font de plus en plus d’échanges à l’étranger, de césure après ou pendant leurs études. 

Quand les jeunes diplômés arrivent, ils ont une meilleure expérience internationale, ils parlent mieux anglais, et ils ont beaucoup plus d’ambition. Aujourd’hui les entrepreneurs que je vois dans la French Tech ont vraiment l’ambition de créer des entreprises à dimension internationale.

Si je mets ma casquette d’investisseur, étant donné que je m’occupe d’investir dans les logiciels à destination des entreprises, dans les technologies d’infrastructure ou la cybersécurité, la réalité c’est que plus de 44% des budgets IT sont aux Etats-Unis contre 20% en Europe sur un marché fragmenté. 

Si l’entrepreneur vient nous voir et a pour objectif de rester en France, c’est qu’il n’a fondamentalement pas un objectif de revenu très ambitieux. Alors que s’il vient et qu’il veut adresser un marché mondial, et que l’on détecte qu’il a la capacité à vendre son produit sur le marché américain, c’est très différent pour nous investisseurs. 

Dans tous les cas, pour venir aux Etats-Unis, il faut être prêt et il faut que cela ait du sens à un moment T. Un des modèles qui marche plutôt bien, ce sont des entreprises qui ont commencé en Europe, qui ont des clients, des preuves que leur produit fonctionne et qui utilisent ces succès pour lever de l’argent et continuer à grandir sur le marché américain. Talend est un bel exemple de parcours réussi puisqu’ils sont cotés au Nasdaq. 

On ne parle que de cyber et d’AI depuis quelques mois. En tant que VC, comment voyez-vous les douze mois qui viennent en termes d’investissement ? On a l’impression que cela part dans tous les sens surtout en AI

C’est un domaine qui change au quotidien, mais c’est ce qui est excitant. C’est une révolution technologique très, très forte qui aura des conséquences très fortes sur notre façon de faire les choses. 

Je le vois comme une vague de technologies qui va pouvoir aider à faire beaucoup de choses déjà existantes car il y a les technologies d’AI pures mais il y a aussi la question de savoir comment on les intègre dans des processus existants. Comme l’AI est de nature à changer beaucoup de choses, ça attire les investisseurs. 

Il y a eu néanmoins déjà pas mal d’assainissement dans le marché car souvent les entreprises n’ont pas eu la croissance escomptée ou le bon business model. Ce n’est pas encore stable, il faut que la fenêtre d’IPO se rouvre pour que l’on y voit plus clair. L’IPO de la société ARM sera un bon indicateur de la traction du marché.
Dans l’intervalle, on n’attend pas que cela se passe mais on voit moins de volume d’investissement car il y a moins de dossiers et on a moins de très bons dossiers. Tout le monde est plus sélectif et c’est sain. 

Pour vous qui êtes rentré en France, pouvez-vous partager des adresses ou des choses qui vous manquent ? 

  • Le restaurant du chef Gary Danko que j’ai toujours trouvé exceptionnel ; il est resté fidèle à son adresse et c’est toujours très, très bon.
  • Faire du vélo dans les collines de la baie ou à Marin County. C’est un plaisir assez exceptionnel.
  • Me balader près de l’eau vers le Ferry Building avec la lumière qui se reflète sur l’eau. C’est magique !
  • Et enfin, la culture et l’ambiance dans l’expatriation. Je trouve qu’il y a un niveau d’amitié, de légèreté qui permet de développer des relations plus profondes. Je crois que cela tient en grande partie du fait que l’on n’a pas le reste de notre vie autour de nous. 

Un dernier mot pour conclure ?

Au niveau associatif, je voudrais rajouter que la leçon du “give forward” des américains a été très importante pour moi. Se dire que l’on est arrivé quelque part, que l’on a peut être réussi, que l’on a eu des difficultés…  Alors pourquoi ne pas aider la prochaine personne qui arrive en partageant ses propres expériences. 

Je me réjouis de voir que cela s’est beaucoup amélioré dans le réseau français et j’aimerais que ça continue.

Le calendrier de la French Tech San Francisco 2023-2024 à ce jour est disponible ici

Merci Reza

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