Article partenaire avec La French Tech SF – Antoine Villata travaille chez Planisware, fournisseur mondial de logiciels de gestion de portefeuilles de projets, depuis les tout premiers jours de l’entreprise. Au cours des 20 dernières années, il a occupé différents postes dans les services professionnels, les ventes et le marketing. Il est actuellement CEO de Planisware Amérique du Nord, basé à San Francisco, mais la société a des bureaux à Philadelphie, Denver et Montréal et emploie plus de 170 personnes. Aujourd’hui, plus de 500 entreprises dans le monde s’appuient sur les produits de Planisware pour gérer leurs projets, leurs ressources et leurs portefeuilles. L’entreprise compte un total de 12 bureaux aux États-Unis, en Europe, au Moyen-Orient, à Singapour et au Japon.

Antoine est également membre du conseil d’administration de la French Tech San Francisco.

« Travailler en tant que CEO, ce n’est pas un sprint, c’est un marathon. Donc, vous devez suivre votre rythme. Il est essentiel de prendre le temps d’absorber, de réfléchir et de respirer un peu. »

French Tech SF : Pouvez-vous nous décrire votre parcours ainsi que votre expérience aux États-Unis ?

Antoine Villata : Après un master à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), une école d’ingénieurs française, puis je suis allé à Hanoï Vietnam pendant quelques années pour faire un VIA, qui est une coopération avec Business France (qui faisait alors partie de l’Ambassade de France). C’est là que j’ai eu l’envie de vivre à l’étranger comme moyen de me mettre au défi.

Je suis revenu à Paris et j’ai postulé dans la jeune start-up Planisware car je savais qu’il y avait un projet d’ouvrir un bureau aux États-Unis pour explorer le marché. J’étais membre de l’équipe des services professionnels à l’époque, travaillant sur de nombreux projets internationaux. Lors d’une de mes missions, j’ai pu venir à San Francisco et travailler sur une Proof of Concept avec une petite biotech appelée Genentech. Ça s’est très bien passé, Genentech a signé et peu de temps après, Planisware m’a proposé un poste à San Francisco. C’était le début de mon (long) voyage ici.

Je suis venu avec un état d’esprit « pionnier » en pensant qu’il ne s’agirait que d’une courte mission de deux ans avant de revenir à Paris (ou ailleurs). Mais j’ai attrapé le virus de la Silicon Valley. J’étais entouré de toutes ces sociétés de logiciels inspirantes et de personnes partageant les mêmes idées, mais aussi de la nature incroyable et de nombreux grands défis Au bout de deux ans, j’ai renouvelé mon contrat, puis une autre fois, puis une fois encore. Planisware est passé au niveau supérieur, nous avons acquis de plus en plus de clients et j’ai décidé que San Francisco serait une ville idéale pour développer davantage ma carrière, fonder une famille (j’ai deux enfants) et finalement devenir citoyen américain.

FTSF : Et quelles ont été vos étapes chez Planisware ?

AV : Certainement quelques étapes clés en 20 ans ! Au cours des dix premières années, j’ai travaillé avec de nombreux clients, principalement de grandes organisations des sciences de la vie (Fortune 100), en tant que chef de projet en charge de la mise en œuvre de notre logiciel. En parallèle, j’ai monté une équipe de services professionnels d’environ 50 personnes que j’ai embauchées, formées et enfin gérées.

J’ai apprécié cette période de ma vie en apprenant beaucoup sur le fonctionnement des grandes entreprises américaines puisque j’étais au coeur de celles-ci, mais les nombreux déplacements m’ont fatigué. À tel point que j’ai finalement décidé d’orienter ma carrière vers le business development, le marketing et les ventes. Compte tenu de ma formation d’ingénieur, j’ai décidé de faire ce que font beaucoup d’Américains et de préparer un MBA. J’ai opté pour le Wharton Executive MBA (sur leur campus de San Francisco) afin de pouvoir continuer à travailler et à étudier en même temps. Ce furent les deux années les plus intenses de ma vie, mais certainement une expérience qui en vaut la peine !

Mon MBA en poche, je me suis encore plus profondément impliqué dans la communauté Tech de la Silicon Valley. J’avais élargi mon réseau à travers mes nouveaux contacts (beaucoup d’entre eux sont maintenant mes amis) et aussi une meilleure compréhension du monde des affaires locales. Je me suis senti plus confiant et j’ai réalisé que j’avais beaucoup plus à offrir à Planisware. Peu de temps après, j’ai pris le poste de directeur général pour les États-Unis, et quelques années plus tard, je suis devenu PDG pour l’Amérique du Nord.

À l’époque, les revenus de l’organisation avoisinaient les 10 millions de dollars. Il y avait encore beaucoup de défis à relever pour ouvrir de nouveaux bureaux, constituer l’équipe et faire évoluer nos opérations. Je devais trouver un moyen d’étendre notre empreinte sur de nouveaux marchés, et de faire passer Planisware au niveau supérieur.

Tout a commencé à se mettre en place, et 11 ans plus tard dans ce rôle, mon travail est toujours aussi fascinant.

FTSF : Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous faites chez Planisware ? Quel est le modèle économique ?

AV : Nous sommes un fournisseur mondial de solutions logicielles pour la gestion de projets et de portefeuilles. Cela signifie que nous aidons les entreprises à gérer leurs projets et à transformer leur organisation ou à piloter leurs innovations grâce à la gestion de projet. Le marché total adressable est très vaste mais le nombre de concurrents aussi !

Stratégiquement, au lieu de parcourir tous les secteurs verticaux et de travailler avec beaucoup de types d’organisations, nous avons décidé de rester extrêmement concentrés sur la gestion de projet pour l’industrie des sciences de la vie (en particulier les organisations pharmaceutiques). Nous avons développé une expertise approfondie dans la gestion des projets de R&D pharmaceutique, notamment en termes de gestion des coûts et des ressources, accélérant ainsi le délai de mise sur le marché ainsi que les processus décisionnels. Cela a très bien fonctionné, puisque notre portefeuille client compte 11 des 12 premières organisations pharmaceutiques mondiales.

Après quelques années, nous avons élargi notre cible clients. Nous avons travaillé avec des organisations telles que Sonos, PepsiCo ou Whirlpool, qui gèrent les innovations et les nouveaux produits qu’elles souhaitent commercialiser. Depuis, nous avons décidé de nous étendre à l’informatique ainsi qu’aux entreprises d’ingénierie et de fabrication, pour gérer les projets relativement sophistiqués de ces industries. Nous couvrons désormais l’ensemble de la gestion de projet au sein d’une organisation. Mais nous l’avons fait étape par étape pour nous assurer que nous serons en mesure de rester concentrés. C’était essentiel pour nous alors que nous allions de l’avant pour devenir un leader sur le marché.

FTSF : Quels sont les plus grands défis de votre entreprise ?

AV : L’un de nos enjeux majeurs est le recrutement. Il est difficile pour une organisation relativement inconnue avec une visibilité limitée d’attirer les meilleurs talents dans la Silicon Valley. Vous êtes un petit poisson dans un immense étang, et recruter les bonnes personnes à bord prend du temps. Nous avons dû beaucoup compter sur les recommandations, le réseau de nos employés et sur le bouche à oreille pour constituer la bonne équipe chez Planisware.

Une fois embauchés, vous devez offrir les bons avantages et la bonne culture pour retenir les employés. Cela commence par avoir une structure de rémunération adaptée (très différente de ce qui se fait en France) et s’assurer d’avoir le bon plan d’intéressement à long terme. Chaque employé a besoin d’un plan de carrière défini avec des pistes spécifiques au sein de l’organisation pour changer tous les deux ans, sinon il partira. Enfin, la culture joue aussi un rôle important et, bien que nous soyons une filiale d’une grande organisation française, nous avons dû « américaniser » nos processus et de nos pratiques de gestion d’équipe.

FTSF : Quelles solutions avez-vous trouvées et mises en œuvre ?

AV : Ce que nous avons fait est vrai pour les clients comme pour les employés. Il s’agit de s’assurer que si les gens sont heureux et à l’aise avec un haut niveau de satisfaction, ils passeront le mot aux autres. Cela créera un effet boule de neige et attirera de nouveaux talents (ou clients).

En ce qui concerne les employés, nous nous efforçons de faire en sorte qu’ils se sentent à l’aise dans leur nouvel emploi et avec les gens qui les entourent. Nous avons construit une solide culture d’équipe avec beaucoup de communication interne et de transparence, des groupes Diversity, Equity et Inclusion (DEI), des événements de team building réguliers, des voyages de ski, ainsi qu’un événement annuel dans les Caraïbes pour renforcer nos liens d’équipe.

Non seulement ces actions renforcent la motivation des salariés mais ils deviennent également de fervents ambassadeurs de Planisware en dehors de l’organisation. Ils participent souvent à des événements de recrutement (au salon des carrières de leur université) et ils prennent le temps de rédiger des avis sur des plateformes telles que Glassdoor ou LinkedIn…

FTSF : Aujourd’hui, comment se passe la vie dans la Silicon Valley ? Vos employés sont de retour au bureau ?

AV : Cela a été un peu difficile ! Le retour au bureau est un sujet de discussion brûlant dans la Silicon Valley, car de plus en plus d’organisations s’inquiètent de la productivité de leurs employés. Personnellement, je pense que les gens ont besoin d’interagir en face à face pour augmenter leur efficacité mais aussi leur moral !

Pendant le COVID, nous avions une politique de travail 100% à distance, mais par la suite, nous avons eu beaucoup de difficultés à faire revenir les employés au bureau et à leur faire comprendre son importance. Et pourtant, c’est au cœur de qui nous sommes, nous apprécions de passer du temps ensemble au bureau, d’apprendre des autres, de partager des idées et de nous assurer que nous sommes parfaitement alignés. Chez Planisware, nous avons mis en place une politique de trois jours de présence au bureau par semaine.

Même si c’était un peu difficile à mettre en place, presque un an plus tard, j’ai l’impression que c’était la bonne décision. Nous avons embauché plus de 50 personnes pendant la pandémie, il était important que tous ces nouveaux employés comprennent nos produits et les méthodes et processus Planisware.

Avec nos clients, nous sommes passés à une distance totale (et nous le sommes toujours pour la plupart), et c’est aussi un chaînon manquant car il est plus difficile d’établir des liens étroits. Désormais, nous encourageons tout le monde à aller à la rencontre les clients, et en personne dans la mesure du possible. Avec ce même objectif en tête, nous réunissons d’ailleurs tous nos clients les 16 et 18 mai pour notre User Summit à San Francisco afin qu’ils puissent partager expériences et bonnes pratiques.

FTSF : Quelles sont les prochaines étapes importantes pour Planisware ?

AV : À l’avenir, je pense qu’il est essentiel pour nous de créer une solide communauté de clients/partenaires. Nous avons initié beaucoup de projets pour nous assurer que nos clients puissent échanger entre eux à travers des forums, des événements, des récompenses d’excellence. Nous avons aussi créé des conseils consultatifs composés de clients pour les pousser à partager ce qu’ils font et à créer des canaux différents pour discuter des défis auxquels ils sont confrontés. C’est un moyen de créer plus de valeur au-delà de notre solution logicielle.

Un autre grand projet est notre lancement mondial qui amène nos équipes d’Europe, d’Asie, du Moyen-Orient et d’Amérique du Nord à penser globalement. Notre grande réunion annuelle est un moyen de réduire les déplacements multiples dans l’année, d’assurer le bon niveau d’alignement entre nos équipes, de définir la feuille de route globale/OKR pour l’année suivante, et évidemment de passer du bon temps ensemble !

FTSF : Vous êtes impliqué dans la Chambre de Commerce (FACCSF), vous avez travaillé pour Business France et vous êtes aujourd’hui membre du Board de la French TechSF. Quelles sont vos motivations pour faire partie de ces communautés ?

AV : C’est vrai, je suis membre du conseil d’administration de la Chambre de commerce franco-américaine de San Francisco depuis dix ans. Et j’en ai été président pendant deux ans, juste avant le COVID. J’ai également participé à « SaaS Lander » de Business France ces dernières années, qui est un programme d’accélération et qui aide les fondateurs B2B SaaS à évoluer aux États-Unis.

Plus récemment, j’ai commencé à siéger au conseil d’administration de French Tech San Francisco où nous organisons des événements et des rencontres dans la Bay Area.

Mon implication dans la communauté est donc une histoire continue et une partie essentielle de ma vie aux États-Unis. Mes motivations sont très simples, je voulais « rendre » à la communauté et « apprendre/échanger » de la communauté.

Tout d’abord, le « rendre ». C’est quelque chose que j’ai appris à apprécier lorsque j’ai déménagé aux États-Unis. J’aime réfléchir sur mes succès/échecs et voir comment je peux aider les autres à bénéficier de mon expérience. Je crois qu’il est important d’y consacrer un peu de temps, et c’est très gratifiant. J’ai vu de nombreux entrepreneurs de start-ups venir dans la Silicon Valley sans les clés, les codes avec seulement une compréhension minimale de ce qu’il faut pour démarrer une entreprise ici.

Ne passer qu’un peu de temps avec d’autres entrepreneurs permet d’éviter de nombreuses erreurs et c’est très souvent un bon moyen d’ouvrir des portes et de partager des liens significatifs avec eux.

Deuxièmement, le « Apprendre/Échanger ». Pour moi  « Nous sommes plus forts ensemble » et il n’y a aucune raison de ne pas s’entraider (tout le monde le fait). Lorsque vous êtes confronté à des décisions importantes sur des sujets dont vous ne pouvez pas discuter en interne, cela fait une grande différence de pouvoir compter sur une solide communauté de pairs et d’experts. J’ai utilisé la communauté French Tech comme une « caisse de résonance » et j’en ai énormément profité (c’est toujours le cas !) pour la plupart des grandes décisions.

Les événements organisés par les différentes communautés sont aussi un bon moyen d’appréhender les tendances business, les enjeux économiques actuels, ou parfois de trouver votre prochain collaborateur.

Honnêtement, notre succès chez Planisware n’aurait pas été le même sans notre profonde implication dans la communauté et je pense que c’est absolument essentiel lorsque vous démarrez ou développez une entreprise dans la Bay Area !

FTSF : Être cadre dans la Silicon Valley, avoir une famille et être un grand athlète est-il une combinaison réaliste ? Quels conseils donneriez-vous pour garder un bon équilibre de vie ?

AV : Pour reprendre la métaphore de l’athlète, ce n’est pas un sprint, c’est un marathon ! Vous devez donc trouver votre rythme. Je vois des gens aller à 200% et tout donner, travailler nuit et jour. Vous ne pouvez le faire que pendant un certain temps. Il est essentiel de prendre le temps d’absorber, de réfléchir et de respirer un peu.

Pour moi, équilibrer les choses s’est fait par le sport. Je me fais un devoir de prendre du temps pendant la semaine. Je profite de tout ce que San Francisco a à offrir. Je fais du kitesurf, de la course, du vélo, de la natation ou du snowboard et autant que possible en tant qu’activité familiale ! Je l’ai poussé à un point tel qu’il y a quelques années, j’ai commencé à faire des triathlons et des Ironmans 70.3.

J’ai vu de nombreux entrepreneurs crouler sous la charge de travail et les choses peuvent très vite devenir accablantes. J’étais proche d’être l’un d’entre eux, et mon conseil est de partager rigoureusement votre temps entre le travail et de bloquer le temps des loisirs directement dans votre agenda.

Et c’est vrai pour les vacances, j’aime voyager avec ma famille et j’essaie de déconnecter le plus possible lors de nos voyages. Tout le monde le sait chez Planisware, c’est important pour moi mais aussi un bon moyen de revenir avec des idées fraîches !

FTSF : Que pensez-vous des gens qui disent que la Silicon Valley n’est plus l’endroit où il faut être ?

AV : Je suis arrivé en 2001, et tout le monde disait déjà que la Silicon Valley était en train de s’effondrer et de mourir, puis de nouveau en 2008 après la crise bancaire. Et plus récemment, nous avons vu un autre défi avec COVID et les nombreuses sorties de la Silicon Valley. Cela a donc été une série de hauts et de bas.

Mais je pense vraiment que la Silicon Valley est là pour rester, avec son écosystème, ses entrepreneurs, ses investisseurs, ses étudiants et son esprit de « chercheur d’or ». Évidemment, il y a des vagues et des défis associés, mais la Silicon Valley est très douée pour rebondir. Le dernier défi en date a probablement déjà commencé avec l’essor de l’IA générative.

Alors, oui, j’ai vu beaucoup de gens qui pensent que le modèle peut être reproduit ailleurs. Mais nous ne l’avons pas encore vu…. Et j’espère que la Silicon Valley restera un socle d’innovation fort car elle rend cet endroit attrayant et tellement unique !

 

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