Journaliste franco-américaine basée à San Francisco, Hélène Goupil filme, produit et réalise de poignants documentaires dédiés à des causes sociales et locales qui lui tiennent particulièrement à cœur, de la marginalisation à l’action sociale dans le quartier de Mission.

Elle a récemment remporté le Grand Prix du Festival du Film de l’Association des Nations-Unies pour son documentaire The Seed qui sera projeté le samedi 4 mars 2023 à la San Francisco Main Library dans le cadre de la Nuit des Idées avec son autre documentaire The Mission.

The Seed raconte l’histoire de Guy, le “Fleuriste” de San Francisco qui a subi de plein fouet les effets de la gentrification et s’est soudainement retrouvé à la rue, dans une ville pourtant érigée comme un modèle de justice sociale. En partenariat avec Still I Rise Films, Hélène Goupil filme des gens ordinaires qui réalisent des choses extraordinaires et se battent pour préserver leur dignité.

San Franciscaine d’adoption depuis 20 ans, elle a co-publié un guide appelé  “San Francisco, The Unknown City” qui recense les lieux insolites de la ville.

Diplômée de la Graduate School of Journalism de l’Université de Berkeley, Hélène a commencé sa carrière dans la presse écrite et collaboré avec de grands titres de presse français et américains (voir l’article sur les Hippies Geeks de San Francisco publié dans Madame Figaro). Passionnée par le documentaire, elle utilise désormais cette plateforme comme porte-voix pour les sujets de justice sociale.

Coup de projecteur sur ce parcours atypique avec l’entretien qu’elle a accordé à MerciSF.

  • Comment es-tu arrivée aux Etats-Unis ? 

Quand j’avais 8 ans, ma famille s’est venue temporairement à Phoenix dans l’Arizona. Après de nombreux allers-retours entre la France et les Etats-Unis, nous nous sommes finalement installés de façon permanente quand j’étais en classe de terminale. Originaire d’Istres, j’ai toujours gardé un profond attachement à la France et suis venue passer mon Bac en candidate libre au Lycée Français de San Francisco afin de poursuivre mes études universitaires en France.

  • Comment ton parcours personnel a-t-il influencé ta carrière ?

J’ai toujours été intéressée par l’humain. Enfant, j’aimais imaginer la vie des gens. Au lycée, je me baladais avec mon appareil photo et la vieille caméra de mon père pour capturer des bribes du quotidien. Je ne savais pas vraiment comment construire une histoire, j’apprenais sur le tas. Pendant mes études de Langues Etrangères Appliquées à Aix en Provence, j’ai eu un déclic pour le journalisme en réalisant une revue de presse dans le cadre d’un de mes cours.

Après un détour par Kyoto au Japon, où j’ai enseigné l’anglais et écrit pour le Kyoto Journal, je suis arrivée à San Francisco avec Josh, mon compagnon, avec qui j’ai fondé un magazine en ligne, Inside Out Travel, et co-publié le guide “San Francisco, The Unknown City”.

Mon goût du voyage m’a aussi amenée à travailler comme rédactrice pour France Today, le magazine du voyage et de la culture française. Ma rencontre avec la rédactrice en chef Anne Sengès a été déterminante. Elle m’a encouragée à poursuivre des études de journalisme à l’Université de Berkeley. Même si je reste convaincue que le terrain reste la meilleure école, cette formation m’a permise d’apprendre à faire de la vidéo et à raconter des histoires. J’ai dans ce cadre là, réalisé de nombreux reportages vidéos courts pour le web et notamment pour Mission Local.

  • Comment est venue ta passion pour le documentaire et comment es-tu passée de la presse écrite à la production audiovisuelle ?

J’ai toujours été attirée par le côté visuel et pendant mes études à Berkeley mes enseignantes Mimi Chakarova de Still I Rise Films et Lydia Chávez de Mission Local m’ont donné l’opportunité de faire de l’audiovisuel. Les documentaires me permettent d’aller à la rencontre des gens, de découvrir leur vie et de dépasser les stéréotypes d’appartenance à certaines communautés et les étiquettes qui y sont souvent associées. Ils me permettent de raconter l’humain en explorant les thèmes universels qui nous rassemblent.

  • Comment décris-tu le style de tes documentaires ?

Je fais des courts métrages intimes qui me permettent de me glisser dans la vie quotidienne des gens. Je filme toute seule avec une petite caméra qui m’aide à disparaître au point où les personnages finissent par oublier que je suis là. Cela rend le contenu très authentique, tout se déroule naturellement. Je capte des images brutes, réelles qui ne nécessitent pas de reprises ou de retouches. J’ai envie de montrer la beauté du quotidien, et même un peu de poésie dans les moments difficiles.

  • Comment ton engagement social prend-il forme ?

Je ne peux pas rester insensible à ce qui se passe autour de moi. Mon documentaire The Seed se penche sur le phénomène de marginalisation et l’histoire de Guy illustre ce phénomène à la fois propre à San Francisco mais aussi mondial.

Je veux parler des gens dont on ne parle pas beaucoup. La région de San Francisco est connue mondialement pour son innovation et sa richesse : on parle beaucoup des fondateurs de startups et des nouvelles technologies qui émergent ici, mais beaucoup moins des laissés pour compte et de l’impact qu’a eue la tech sur le quotidien de nombreuses personnes.

Je pense que mes documentaires représentent aussi un San Francisco qui disparaît et qu’ils expriment une certaine nostalgie de cette ville qui était terre d’accueil, et incarnait l’ouverture et la tolérance. Quand Guy est arrivé de Baltimore dans les années 80, il pouvait enfin être lui-même en tant que gay. Ville d’inclusion, San Francisco est désormais devenue une ville d’exclusion sociale.

  • Comment choisis-tu tes sujets et tout particulièrement comment as-tu choisi de raconter l’histoire de Guy dans The Seed ?

Je réalise des documentaires sur des gens qui m’inspirent par leur passion, leur persévérance et leur humanité. J’ai choisi Guy pour les valeurs humaines qu’il incarne. Il aime apporter du bonheur aux gens avec ses fleurs. Sa sagesse me touche énormément. On ne peut pas rester insensible à son histoire.

  • The Seed a remporté de nombreux prix y compris le grand prix du Jury du United Nations Association Film Festival, comment expliques-tu son succès ?

L’histoire de Guy est très touchante et très réelle. J’ai eu la chance de le suivre pendant 10 ans et mon film retrace de façon très intime les phases à la fois les plus douloureuses et les plus joyeuses de sa vie. Grâce à tout ce temps que nous avons passé ensemble, la confiance s’est installée et nous sommes devenus amis.

  • Quel(s) message(s) transmet The Seed

Il montre une dure réalité, le fait que personne n’est à l’abri de la précarité, mais il est aussi porteur d’espoir. Guy a réussi à s’en sortir, à vivre de sa passion. Il nous transmet beaucoup de sagesse. Selon lui, les choses matérielles ne définissent pas qui nous sommes et il faut accepter qui on est. Son bonheur, il le trouve en faisant plaisir aux gens avec des fleurs. C’est beau de vivre comme ça.

  • Peux-tu nous parler de ton autre documentaire The Mission ? Qu’a-t-il de commun avec The Seed ?

The Seed et The Mission font tous les deux le portrait de gens qui ont envie d’aller vers les autres et d’aider les autres chacun à leur façon. The Mission nous présente l’incroyable travail réalisé par Valérie Tulier-Laiwa, une activiste du quartier de La Mission qui pendant le premier confinement du Covid a aidé à fonder la “Latino Taskforce”, une cellule de crise locale dont le but était d’écouter, d’identifier et de subvenir aux besoins des populations les plus vulnérables. The Mission, qui a initialement commencé par une série de reportages de Lydia Chávez, est le fruit d’une collaboration entre Mission Local et Still I Rise Films.

The Seed et The Mission montrent tous les deux la réalité de la vie aux Etats-Unis, les écarts qui se creusent entre riches et pauvres, et la disparition progressive de la classe moyenne. J’essaye cependant de ne pas tomber dans l’apitoiement, et m’attache à montrer la persévérance et la force des gens. Ce sont des histoires porteuses d’espoir.

  • Quel a été l’impact de tes documentaires ?

A 73 ans, Guy ne pensait pas que sa voix compterait encore. Grâce à ce documentaire, les gens le connaissent mieux, il se sent plus soutenu. Pour Valérie, The Mission lui a permis de montrer son travail et de créer un modèle d’aide sociale qui a été exemplaire et répliqué à travers les Etats-Unis. Le documentaire a capturé un moment dans leur histoire qui sera là pour toujours.

  • As-tu d’autres projets en cours ou en vue que tu aimerais partager avec nous aujourd’hui ?

Je travaille sur le portrait d’une femme qui était accro au crack pendant 20 ans et qui a réussi à s’en sortir.

Je suis toujours à la recherche de nouveaux sujets, alors n’hésitez pas à venir vers moi.

The Seed est disponible en accès libre sur le site Still I Rise.
Bande-annonce de The Mission : https://vimeo.com/696638305

Venez écouter Hélène Goupil parler de son travail pendant la Nuit des Idées le samedi 4 mars 2023 à la SF Public Library.

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