Article Partenaire : Orbiss, le cabinet d’expertise comptable et fiscale connait un véritable succès depuis 2020. Implanté dans plusieurs villes dont New York et San Francisco, il est spécialisé dans le conseil aux start-ups et aux PME d’origine française implantées aux Etats-Unis. Ce cabinet fonctionne un peu comme un capteur de tendances dans cette catégorie d’entreprises.
Orbiss comprend 30 collaborateurs répartis sur tout le territoire Nord-Américain et compte des entreprises françaises telles que Convelio, Swapcard ou Adwanted Group parmi leurs clients.
Yoann Brugiere, co-fondateur d’Orbiss a bien voulu partager sa vision du marché en se prêtant au jeu de l’interview.
Nous sommes plus de deux ans et demi après le début de la pandémie de Covid. Quels sont les grands changements pour les entreprises françaises qui font ou veulent faire du business en Amérique du Nord ?
Tout d’abord, je voudrais souligner que les deux ou trois premiers mois de la pandémie tout s’est arrêté mais qu’assez rapidement, les entreprises ont réagi et ont commencé à gérer en travaillant à distance.
La problématique a même créé de belles opportunités de développement pour certains. On a vu le succès de plateformes comme deel.com ou remote.com qui venaient de démarrer ; elles ont permis aux entreprises françaises d’avoir à ce moment là, moins peur de gérer ou de se lancer sur un marché à distance.
Comme on l’entend souvent, cela a provoqué un changement durable dans les méthodes de travail. On a maintenant beaucoup d’entreprises qui n’hésitent pas à sauter le pas comme par exemple, d’embaucher facilement d’un continent à l’autre.
Le revers de la médaille, c’est que l’on voit des petites entreprises qui viennent aux Etats-Unis alors qu’elles n’ont pas le financement nécessaire pour attaquer un aussi gros marché.
D’expérience, celles qui réussissent sont celles qui viennent avec quelques millions. Les besoins en moyens financiers et humains pour se développer sur le territoire américain restent importants. Il ne faut pas oublier qu’entre le moment où l’entreprise arrive, qu’elle recrute et qu’elle commence à signer ses premiers contrats, elle a besoin de fond de roulement.
Attaquer le marché américain pour une entreprise française, c’est un peu comme si une entreprise étrangère voulait s’implanter sur toute l’Europe en même temps !
S’implanter en démarrant sur une zone géographique définie où se trouve son coeur de marché, par exemple un état ou une région, peut se révéler une stratégie gagnante.
L’attraction pour le marché américain n’a pas faibli mais l’approche et les méthodes de travail ont évolué.
Pour les entreprises qui étaient déjà là avant le Covid, comment les choses ont-elles changé ?
Au niveau ressources humaines en particulier, cela a forcé les entreprises qui avaient déjà un pied aux Etats-Unis à réfléchir sur la mise en place de « remote policies ».
Les plus grosses d’entre elles qui étaient déjà implantées sur plusieurs continents, ont dû répondre à la demande de leurs salariés en mettant en place avec des politiques globales de travail à distance. Par exemple, certains employés veulent avoir la flexibilité de carrément changer d’environnement pendant quelques mois. Plus les entreprises seront flexibles et structurées dans ce sens, plus il leur sera facile de recruter des talents. C’est aussi notre rôle d’expliquer cela à nos clients.
Quant à nous, nous sommes des inconditionnels du travail à distance, et notre profession s’y prête bien. Cela nous force à aborder le management différemment. Etant donné que nous utilisons beaucoup d’outils numériques pour mener à bien les tâches que nous confient nos clients, nous avons des moyens simples de vérifier si le travail est fait. De toute façon, espérer recruter la nouvelle génération sans proposer de travail à distance est quasiment impossible.
Concernant la Tech, on lit dans la presse que les entreprises américaines licencient. Voyez-vous la même tendance dans les entreprises françaises que vous suivez ?
Le réajustement des marchés qui fait que les ventures capitalists empruntent à des taux d’intérêt plus élevés, a eu un effet immédiat.
Le terme de « rentabilité » revient sur la table ; on voit des entreprises qui font plus attention aux dépenses et notamment dans la Tech. Surveiller ses dépenses par rapport à son budget redevient “normal” ; l’objectif principal reste de développer le marché mais plus à n’importe quel prix.
Alors les entreprises qui avaient beaucoup embauché, très vite, avec des fonds importants dès leur arrivée sur le territoire, ont commencé à licencier.
Personnellement, je pense que c’est un mal pour un bien… Cela permet d’aller plus loin dans la réflexion stratégique.
Je voudrais ajouter qu’au delà de la Tech, une conséquence claire de la période Covid est la transformation du retail. Tous nos clients dans ce domaine ont réduit leur présence physique dans les grandes villes et ont mis l’accent sur la vente en ligne. Certains ont même complètement basculé et fermé leurs points de vente pour passer 100% en ligne comme Oliviers and Co par exemple.
Vous avez fait votre implantation dans la baie de San Francisco en 2022. Pourquoi avoir attendu deux ans alors que la région compte beaucoup d’entreprises créées par des français ?
C’est très simple ! Etant donné que beaucoup de nos clients sont dans l’industrie Tech, on voulait s’assurer d’avoir un modèle et une équipe stables. On voulait tester et valider notre modèle avant de venir dans la baie de San Francisco. La côte Est a été une sorte de beta test avant de s’attaquer à notre cœur de cible.
Aujourd’hui nous avons des locaux dans San Francisco, une équipe sur place et déjà un portefeuille clients.
A votre échelle, voyez-vous des spécificités dans la façon d’aborder les choses sur San Francisco par rapport à New York ?
En ce qui nous concerne directement, la plus grande différence réside dans la façon dont les gens interagissent. A New York, il est beaucoup plus facile de rencontrer les différents acteurs de l’éco-système car les entreprises sont en modèle hybride. A San Francisco, tout ou presque se fait à distance.
Et puis, comme beaucoup, plus je viens dans la baie, plus je me rends compte qu’elle regroupe deux pôles économiques bien distincts : San Francisco et la Silicon Valley.
On se pose même la question d’ouvrir un bureau dans la Silicon Valley… Ce n’est pas prévu dans un avenir très proche, mais on y pense. A San Francisco, on rencontre plutôt les nouveaux arrivants alors que dans la Silicon Valley, on trouve des personnes qui sont installées depuis plus longtemps et qui parfois sont même passés du côté investisseurs après avoir été entrepreneurs.
On ne rencontre pas cette coupure géographique à New York dont la communauté business est plus homogène.
Quels sont les défis les plus importants que les entreprises françaises implantées aux US vont devoir affronter en 2022/2023 à votre avis ?
La parité dollar/euro est un gros sujet pour nous. C’est un enjeu majeur pour les entrepreneurs qui souvent nous demandent conseil.
En effet, la plupart lèvent des fonds en Europe et doivent transférer les capitaux aux USA. Si une entreprise a levé 15 millions d’euros en Europe, ses dirigeants doivent se poser la question de transférer 5 millions tout de suite ou au contraire de le faire par tranche au fur et à mesure de leurs besoins et des fluctuations de marché.
Je précise que nous ne sommes pas des financiers mais on peut rediriger vers des institutions bancaires qui ont des produits spécifiques pour réaliser ce qui s’appelle des “swaps sur taux de change” et fournissent une forme de couverture.
Dans les mois à venir, les entrepreneurs qui vont réussir seront ceux qui réagiront rapidement. La réactivité sur les business models et les stratégies feront la différence. Tout se fera au cas par cas.
Une stratégie possible est de ne pas gonfler les salaires mais privilégier l’embauche de personnes qui ne viennent pas pour du court terme. La réussite va exiger une bonne dose de réactivité.
Comment expliquez-vous qu’Orbiss ait connu un tel succès en moins de 3 ans ?
Nous cassons tout simplement les codes de la profession. Orbiss propose un business model qui comporte une utilisation intensive des outils numériques et qui joue la transparence vis-à-vis des clients.
D’une part, les outils permettent de gagner en temps et en efficacité, c’est indiscutable.
Et d’autre part, on travaille en toute transparence avec un réseau d’apporteurs d’affaire et de partenaires que l’on ne rémunère pas. C’est hors de question. On ne travaille qu’avec des gens dont on a une bonne estime professionnelle.
Pour nous c’est la clé du succès.
Enfin, on a la faiblesse de croire que c’est grâce à cette forme de sincérité en aval et en amont que l’on a pu recruter une équipe qui adhère à nos valeurs.
Merci Yoann Brugiere