… dont une au Théâtre du Lycée Français de San Francisco (TLF), le vendredi 14 octobre, 2022. Comment cette pièce qui parle de quelque chose de profond avec une belle légèreté a toujours un tel succès ?
C’est ce que nous avons essayé de comprendre au cours de notre conversation avec Nicolas Devort, l’auteur et interprète de Dans la Peau de Cyrano qu’il va jouer pour le public du TLF prochainement.
Colin fait sa rentrée dans un nouveau collège. Pas facile de passer du monde de l’enfance à celui des grands, surtout quand on est « différent ». La route est semée d’embûches. Mais une rencontre déterminante avec son professeur de théâtre, figure paternelle et bienveillante, guidera ses pas vers un nouvel essor, comme une nouvelle naissance.
On rit beaucoup et on est ému en assistant à cette pièce mais comment expliquez-vous qu’elle séduise autant le public ?
J’en suis le premier surpris ! Je n’imaginais pas une aventure pareille quand je l’ai écrite il y a 10 ans.
Je crois tout d’abord que le public se reconnait forcément dans un personnage ou l’autre car le contexte est familier de tous. Nous sommes tous allés à l’école et l’on peut retrouver un peu de soit dans chacun des personnages.
Et puis, c’est un “feel good show” au sens noble du terme. J’ai grandi en regardant des Walt Disney, cela a du me marquer. Je suis un optimiste de nature. J’aime parler de choses profondes mais cela doit rester léger. Alors, dans ce spectacle, on alterne entre les moments droles et les moments plus émouvants, plus intimes.
C’est aussi une pièce que je peux jouer quasiment n’importe où… Du théâtre professionnel de 800 places à une petite scène intimiste. Le décor comme vous le verrez, est minimaliste, il n’y a pas de contraintes matérielles.
Et finalement, le fait que je sois seul et sans décor permet aux spectateurs de projeter leur propre histoire sur moi. On a tous un petit Colin au fond de nous.
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour écrire cette pièce ?
Toutes sortes de choses mais je dirais que c’est un mélange entre le souvenir d’un de mes professeurs de français au lycée et bien sûr du professeur dans le Cercle des Poètes Disparus.
Mais attention, cette pièce ne reflète pas ma propre expérience car j’étais plutot un Gayle qu’un Colin à l’école. Je n’avais pas peur de m’exprimer, au contraire j’étais plutot à l’aise. Et puis, j’avais essayé de faire du théâtre mais cela ne m’avait pas vraiment plu.
En écrivant la pièce, je voulais un parallèle entre ce que vivent les enfants pendant leur cours de théâtre et l’histoire de Cyrano… Cyrano qui est amoureux de Roxane qui elle-même est amoureuse de Christian.
Au moment où l’histoire se construisait, et que j’échangeais avec mes associés, comme Cyrano avec son grand nez, je voulais que le petit garçon ait une particularité handicapante et le bégaiement est venu au moment de la construction dramaturgique du spectacle. Le bégaiement s’est imposé car il était la symbolique des difficiltés d’expression que l’on rencontre tous et particulièrement à l’adolescence. Le corps change, la psychologie change… on passe de l’enfance à l’âge adulte. C’est parfois difficile de s’exprimer pendant ces années-là.
Ce petit handicap était un bon moyen de mettre en avant ce petit garçon face à la difficulté de communication. En plus, je le mets en confrontation avec Cyrano qui est un orateur né ; dramaturgiquement, cela me paraissait intéressant. Cela permettait de développer tour à tour des scènes drôles, pathétiques, génantes et tristes.
Justement, c’est très physique comme rôle. Vous passez d’un personnage à l’autre avec une rapidité époustouflante…
Ma metteuse en scène vous dirait que je réussis à “convoquer l’intimité des personnages”, que c’est pour cela que je réussis.. Il faut que l’on voie l’émotion de Colin qui à certains moments, a les larmes aux yeux et qu’une seconde après, on voie le professeur bienveillant et rassurant. C’est ce qui rend l’exercice intéressant. J’aime que l’on oublie que je suis seul en scène.
Vous pensez qu’un Colin, une personne en situation de handicap, peut devenir acteur professionnel ?
Mais bien sur ! Prenez l’exemple de Vincent Lindon… J’ai eu l’opportunité de le rencontrer professionnellement et il bégaie, il bloque sur des phrases entières. Pourtant, dès qu’il joue, c’est fini, plus rien, c’est un acteur remarquable.
D’ailleurs, suite à l’écriture de la pièce, j’ai voulu comprendre pourquoi les bègues n’arrivent pas à s’exprimer normalement quand ils parlent.
Alors quand j’ai joué la pièce parfois devant des parterres de personnes bègues, la meilleure réponse que j’ai eue a été “je sais que personne ne va m’interrompre”. A bien y réfléchir, je pense que c’est le coeur du problème ; les bègues qui chantent ou qui récitent un texte, ne bégaient pas car on ne les interrompt pas.
Vous êtes auteur, comédien et musicien.. Vous pensez à la mise en scène ou revenir au cinéma ?
J’ai la chance d’avoir beaucoup de travail avec le théâtre. Je joue et je produis aussi, alors cela ne me laisse pas beaucoup de temps pour autre chose.
Concernant le cinéma, je ne cherche pas la lumière des projecteurs à tout prix et le théâtre me permet déjà d’exprimer beaucoup de choses, de faire rêver les gens et d’apporter ma modeste contribution à la marche du monde. Je n’ai pas épuisé les sujets dont je veux parler comme la famille, la célébrité, la masculinité, l’écologie…
Si je devais faire autre chose que du théâtre, j’écrirais plutôt des chansons, je ferais de la musique. Mais ça, c’est peut être pour plus tard.
Je lis sur votre CV que vous êtes bilingue anglais ? Vous avez passé du temps dans un pays anglo-saxon ?
A partir de l’age de 9 ans, j’ai eu la chance de faire plusieurs séjours linguistiques en Angleterre et aux Etats-Unis mais surtout, j’ai passé un an de ma scolarité du secondaire en immersion totale dans une école anglaise. Alors oui, je parle anglais avec un accent londonien !
Et aussi mon frère a vécu à San Francisco pendant trois ans alors je suis venu à San Francisco quelques fois. D’ailleurs, j’ai hâte d’y aller à nouveau.
Date : vendredi 14 octobre 2022
Adresse : Theatre du Lycée Français, 1201 Ortega St, San Francisco
Billets en vente ici
Merci le TLF, merci Nicolas !