Voilà une catégorie de start-ups dont on entend peu parler mais qui a le vent en poupe, celle des start-ups liées à l’espace. C’est une très grosse industrie dont les technologies interviennent dans notre quotidien sans que l’on en ait forcément conscience.
Les données captées depuis le ciel ont un lien direct avec la gestion du trafic maritime, les prévisions météorologiques, l’aviation civile et militaire, mais aussi avec l’agriculture et interviennent dans bien d’autres domaines encore.
Alors la première question qui vient à l’esprit, c’est évidemment comment peut-on être « une start-up » dans cette industrie ? On parle ici d’investissements qui vont bien au-delà de l’achat de quelques serveurs et l’embauche de codeurs chevronnés… Tutoyer les étoiles a un prix que l’on suppose hors de portée du commun des entrepreneurs.
Nous avons trouvé des éléments de réponse au cours de notre entretien avec Pierre-Damien Vaujour, le CEO et co-fondateur de Loft Orbital, une start-up basée à San Francisco et membre de la FACCSF.
Loft Orbital a pour ambition de mettre l’espace à la portée de ses clients sans que ces derniers aient besoin d’acheter leur propre satellite, et d’affréter un lanceur.
C’est en effet ce qui se passait jusqu’il y a peu ou en tout cas la façon dont les entreprises devaient envisager les choses si elles voulaient capter des données depuis l’espace.
Ces entreprises devaient prévoir un budget de plusieurs dizaines de millions de dollars, un planning sur 3 à 5 ans et faisaient travailler une armée d’ingénieurs pour mettre leur satellite et leurs capteurs en orbite.
Loft Orbital fait une proposition de valeur bien différente : ils proposent de prendre en charge les capteurs de données de leur client, disons une caméra inter spectral pour faire simple, et de l’adapter sur un « hub » Loft Orbital.
Mais attention, le ratio caméra/hub n’est pas de 1 pour 1… mais plutôt de 5 pour 1 ; en effet, Pierre-Damien Vaujour nous explique qu’ils embarquent jusqu’à 5 capteurs de clients différents sur le même hub. Ils attachent ensuite ce hub à un bus satellite, et confient le tout à une société de lanceurs de type SpaceX ou Rocket Lab… et hop !
… Pas tout à fait aussi simple que cela quand même. Il faut bien évidemment beaucoup de code et d’expertise pour fixer les capteurs sur un même hub car par définition, les capteurs sont tous différents… Ensuite il faut fixer le hub sur le bus satellite pour que les données -une fois captées en orbite, soient exploitables par chaque client de Loft Orbital.
Loft Orbital ne fait aucun traitement des données collectées, ils laissent cela à leurs clients qui par définition sont des experts dans leur domaine, mais ils s’assurent de l’intégrité des données recueillies à leur retour sur terre.
Loft Orbital est un peu l’AWS de l’espace, une sorte de pionnier du « space as-a-service » ; un véritable facilitateur en tout cas pour toutes les sociétés qui ont besoin de collecter des données depuis l’espace mais qui ne veulent ou ne peuvent pas, intégrer une expertise en ingénierie aérospatiale.
L’autre avantage significatif de ce service pour le client final, c’est bien entendu le prix de revient et le transfert de Capex en Opex.
Evidemment cette discussion a entrainé de nombreuses questions, et entre autre pourquoi installer sa start-up à San Francisco alors que les lanceurs sont plutôt en Floride ? Catégorique, Pierre Damien Vaujour nous répond « Tout simplement parce que l’écosystème des VCs est unique dans la Silicon Valley et que s’ils croient à un projet, y compris dans le domaine de l’aérospatiale, ils n’hésitent pas. On trouve cela nulle part ailleurs. Nous avons levé 3 millions en 2017 pour démarrer, puis 13 millions à l’été 2019. Aujourd’hui, les 60 membres de l’équipe sont répartis entre le Colorado et Toulouse mais le gros des effectifs reste à San Francisco».
Quant aux clients… Pierre-Damien a partagé avec nous deux noms : La mission QEYSSat qui fera la démonstration de Quantum Key Distribution (QKD), en partenariat avec Honeywell et le gouvernement canadien. Ou encore Eutelsat qui sous traite l’envoi de ses capteurs à Loft Orbital quand il travaille pour Sigfox (une start-up française dans l’IoT).
Si vous vous demandez comment on devient co-fondateur d’une entreprise de l’industrie aérospatiale, et bien disons que cela ne s’improvise pas. Pierre-Damien Vaujour a le parcours académique adéquat, il a fait l’ISAE Supaero à Toulouse suivi d’un Master en Sciences à l’université du Michigan mais il a surtout eu une carrière qui laisse rêveur : un passage à l’Agence Spatiale Européenne, puis à la Nasa. Il participe ensuite au développement du tourisme spatial lors du lancement du Google Lunar X PRIZE.
Il créé Loft Orbital après avoir été un des tout premiers employés de Spire, une société de données satellitaires qui évolue dans cette mouvance d’une nouvelle industrie de l’espace disons plus « agile ».
Si cet entretien vous a donné envie, que vous souhaitez rejoindre une société en pleine croissance, Loft Orbital est à la recherche d’ingénieurs software et d’ingénieurs dans le domaine de l’ingénierie aérospatiale. C’est là que cela se passe.
Merci Pierre-Damien