La plasticienne Cheryl Derricotte a récemment été invitée pour une micro-résidence à la Villa San Francisco. Sa présence faisait partie de la «Hatch Series» organisée par Candace Huey (galerie Re.Riddle) pour soutenir la scène artistique locale pendant la pandémie.
De ses propres mots, Cheryl trouve son inspiration en observant «l’actualité, la politique, les paysages urbains. Les identités façonnées par le lieu de résidence ou au contraire l’itinérance ; la beauté naturelle ou les catastrophes, les souvenirs de bonheur ou de perte, nourrissent mon travail».
Même si ses principaux supports sont le verre et le papier, elle souligne que «le texte est une composante importante de mon œuvre. Je dis souvent que je vis sous la tyrannie du titre. Une phrase restera coincée dans ma tête, et je me débats avec elle jusqu’à ce qu’une œuvre soit créée ».
En plein milieu du mouvement «Black Lives Matter», elle a décidé de profiter de son séjour à la Villa San Francisco pour poursuivre son travail sur Thomas Jefferson et «ses positions contradictoires sur l’esclavage et la liberté».
Elle donne plus de détails sur sa démarche créative : «L’ambassadeur de France le plus célèbre de l’histoire des États-Unis était Thomas Jefferson. Il a servi en France pendant cinq ans en tant que «ministre américain à la Cour de Versailles». Jefferson était un fervent partisan de la Révolution française et à son retour aux États-Unis, il a été nommé Secrétaire d’État par le président Adams. Il deviendra vice-président et plus tard troisième président des États-Unis.
L’affection que Jefferson portait à la révolution n’été pas étendue aux Noirs. Il est né dans une famille qui détenait des esclaves, héritant ainsi de ses propres esclaves et plus tard, des esclaves de sa femme décédée dont elle avait elle-même hérité au moment de leur mariage. Au cours de sa vie, il a possédé un total de 600 personnes. Il possédait 200 personnes en moyenne par an, dont la moitié avait moins de 16 ans ».

«Je fais de l’art à partir de la recherche. J’aime placer des photographies et des dialogues historiques dans des conversations contemporaines, et je crée une nouvelle œuvre intitulée «Le loup et le blé (2020)»
Ce travail fait référence au commentaire souvent cité de Thomas Jefferson sur l’institution tellement singulière de l’esclavage: « Dans la situation actuelle, nous tenons le loup par les oreilles, et nous ne pouvons sûrement ni le tenir, ni le lâcher. Dans un des plateaux de la balance, la justice ; dans l’autre, la sûreté de nos personnes . » ((Traduction de Cornelis de Witt) – Jefferson échangeant de la question du Missouri et de l’esclavage avec John Holmes, 22 avril 1820. Ford, Paul Leicester, éd. The Works of Thomas Jefferson, Volume 12. New York: G.P. Putnam’s Sons, 1905, p. 159.)
Et le travail de Cheryl Derricotte devient encore plus convaincant lorsqu’elle fournit certains détails : «Le nom de jeune fille de ma mère était Jefferson et la branche maternelle de la famille venait de Virginie. Nous nous sommes toujours demandé si nous venions de Monticello, la principale plantation de Jefferson.
Il a souvent dit que l’esclavage devait prendre fin mais n’a pas mené sa dissolution au niveau fédéral. Il croyait à la réforme individuelle des plantations et ainsi à Monticello, il s’est éloigné de la culture du tabac et n’a pas cherché à faire celle du coton. Au contraire, il planta du blé et forma nombre de ses esclaves comme ouvriers qualifiés pour construire sa propriété et les magasins alentours.
L’esclave de Jefferson, Sally Hemings, était la mère de six de ses enfants, et le frère aîné de cette dernière, James a été formé comme Chef à Paris avant de servir comme chef de cuisine à Monticello. Bien que Jefferson ait libéré les enfants vivants de Sally et comme convenu entre eux James, il n’a jamais libéré Sally Hemmings ».
Quelques questions pour tenter de mieux cerner Cheryl Derricotte :
Comment envisagez-vous votre art post-COVID ?
«J’espère qu’un jour nous pourrons bientôt accrocher le fruit de mon travail fait en résidence au Consulat Général de France, c’était le plan initial avant le COVID-19. Au delà de cela, je suis ravie de retourner aux expositions avec du public et de pouvoir discuter des œuvres d’art en personne. Ce sera la meilleure partie d’un monde post-pandémique ».
Si vous deviez décrire une particularité de l’espace Villa San Francisco ?
« Les séquoias à l’extérieur des fenêtres sont incroyables ! Si grands et majestueux, ils m’ont rappelé que la nature perdure. Nous pourrions apprendre beaucoup de ces arbres si nous nous connections, écoutions et étudions leur exemple ».
Comment êtes-vous reliée à la France ?
« Je n’ai pas grandi avec beaucoup d’argent, mais ma mère aimait jouer et elle a eu beaucoup de chance. Un jour, elle a participé à un concours radiophonique pour gagner des billets qui permettaient d’aller partout dans le monde. Quand il s’est avéré qu’elle était la gagnante, le DJ lui a demandé où elle voulait aller. Elle a répondu : « Mon enfant apprend le français, donc Paris. »
Ma mère a donc gagné ce concours et à 15 ans, j’ai fait mon premier voyage à Paris ! Le voyage comprenait des billets A/R pour deux, dix jours dans un hôtel français et un carnet de coupons que nous pouvions utiliser pour les repas. C’était un rêve devenu réalité. Visiter Paris en tant que jeune adolescent n’a pas seulement capturé mon imagination, cela a alimenté mon amour grandissant pour l’art et l’environnement bâti « .
Si on vous demande de nous dire spontanément qui est votre artiste préféré en ce moment ?
« Rodney Ewing https://www.rodneyewing.com (il participera lui aussi à la Hatch Series) Rodney fait des œuvres incroyables avec du texte et de l’image. Il est un maître graveur et évolue en un merveilleux artiste d’installation ».
Où pouvons-nous voir votre travail et vous suivre ?
Mon site Internet : www.CherylDerricotteStudio.com
Instagram : https://www.instagram.com/cherylderricottestudio/
Galeries/Representation
Re.Riddle : https://www.reriddle.com/hatch-villa-san-francisco
Galerie Vessel : https://www.vessel-gallery.com/art-is-essential
SFMoma Artists Gallery: https://www.sfmoma.org/artists-gallery/
Galerie Framed : https://www.framedgallery.net
La Villa San Francisco a été créée sous l’égide des Services Culturels de l’Ambassade de France aux Etats-Unis, de l’Institut de France, du Consulat Général de France à San Francisco et de la French American Cultural Society (FACS) et est aussi soutenue par des partenaires locaux comme UC Berkeley et de généreux donateurs.