MerciSF est aussi une tribune où les membres de notre communauté peuvent s’exprimer sur leurs passions, leurs convictions, ou leurs centres d’interet. Aujourd’hui nous avons laissé la parole à Isabella Demeulenaere, belge francophone, architecte de formation et actuellement en train d’étudier la psychanalyse lacanienne. Habituellement, vous pouvez lire ses critiques cinema dans mercisf.com mais ici elle a voulu nous faire partager sa vision du confinement. 

Le film de Jessica Hausner “Little Joe”, au delà de ses évidentes qualités de mise en scène, résonne comme une très étrange prémonition de notre époque.

Une plante a été conçue de tout son ADN par une équipe de biologistes. Leur objectif est de lui conférer le pouvoir de diffuser le bonheur par son parfum, en utilisant l’ocytocine, l’hormone de l’attachement de la mère à son enfant. Mais le résultat est complexe, ne se déroule pas exactement comme prévu et une grande paranoïa s’ensuit quand à la menace de sa diffusion.

En miroir, confinés nous sommes, depuis deux mois… pour des mois…?

Alors que les conséquences économiques et sociales s’avèrent rapidement tragiques, humainement et écologiquement, une renaissance s’opère : pendant que les canaux de Venise se parent d’azurs et que les oiseaux sérénadent dans Paris, les humains redécouvrent les joyaux de leur bibliothèque, les vertus de la cuisine maison, le plaisir de la sieste et la vraie chaleur de la famille. Les enfants s’ébattent joyeusement dans quelques mètres carrés troqués contre autant de temps libre ou de jeux avec leurs parents.

Le confinement souligne néanmoins les inégalités : certains se sont exilés, presque en vacances, dans leur résidence secondaire en bord de mer ou verte campagne, pendant que d’autres combattent la pression de vivre nombreux dans un espace minuscule.

Parfois les coups pleuvent, les soupapes nerveuses explosent. Le virus pervers a même réussi à toucher en priorité les plus défavorisés car le géographie les désavantage aussi : la densité des HLM urbaines, l’insalubrité des guettos…

A long terme, les effets du confinement sur l’être humain sont bien perceptibles aussi. La consommation baisse. Chacun trouve en lui-même des ressources créatives pour aménager son temps, son travail, la gestion de la famille, communiquer avec les autres… Les valeurs changent et beaucoup n’ont plus cette nécessité de la fuite en avant, vers plus de loisirs, plus de voyages, plus d’achats compulsifs.

Coté négatif, la paranoïa prend un forme exponentielle. Ayant moins de liberté, on se trouve avec moins de capacité également pour prendre des décisions. Impuissants, on s’en remet aux autorités sans trop de pensée critique.

Quant à “être en contact avec soi-même », tout le monde en rêvait au départ. Or il semble qu’en fin de compte, la plupart d’entre nous sont effrayés par l’idée de trop s’approcher de la vérité qu’on pourrait y trouver.

Il est plus facile de remplir son temps d’une pléthore d’activités qui semble être le motto pour “réussir son confinement”. Maintenant qu’on a enfin le temps de réfléchir à qui on est vraiment, on préfère apprendre à faire du pain…

Le temps passe, on attend… la grande réponse de la Science toute puissante, qui remettra tout en ordre. Mais est-ce une saine réaction ?

Il semble que le Covid 19 s’attaque en priorité aux personnes sujettes à des conditions préalables, or notre civilisation fourmille elle-aussi de conditions de morbidités.

Le capitalisme a échoué, laissant exsangue une grande partie de la population. N’est-ce pas une opportunité unique de repenser une société fondée sur des bases caduques ? Un motif pour reformuler un nouveau système politique proposant une dialectique entre différentes entités de responsabilité, qui s’enfoncent au coeur du problème pour l’analyser, plutôt que de laisser dicter des ordres pseudo-scientifiques et de remettre en route le “ business as usual”, occasionnellement même criminel ?

Allons-nous rater l’occasion de refonder une société plus juste, sur de saines bases humanistes ?

Les sommets de créativité révélés ces dernières semaines pourraient aussi bien très simplement se translater en milliers d’idées de “rénovation de civilisation”, dans les futurs livres d’histoire.

Merci Isabella Demeulenaere

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