Decathlon mène son expérience américaine comme une course d’endurance, mais avec une bonne dose de technologie… l’influence de la Silicon Valley ?
Après l’ouverture de son premier point de vente sur Market Street fin 2017, de son grand magasin en avril 2019 à Emeryville, c’est à Potrero Center dans San Francisco, que Decathlon va ouvrir le 15 novembre.
Nous sommes allés à la rencontre de Tony Leon, le CIO de la filiale pour qu’il nous donne quelques détails. Mais avant tout, nous lui avons demandé un premier bilan de cette implantation américaine.
Qu’est-ce que vous pouvez nous dire du business ?
Le bilan, 6 mois après l’ouverture d’Emeryville est positif. Le public américain est au rendez-vous, et comprend bien les qualités de nos produits, mais évidemment nous avons eu quelques surprises…
Par exemple, les produits dits techniques (la tente à arceaux gonflables, le fameux masque de snorkling Easybreath, les vélos… ) se vendent très bien ; le consommateur voit très vite l’avantage produit. Nous avons même été en rupture de stock pour des chaussures de golf étanches en quelques heures suite à un article dans la presse spécialisée !
En revanche, les produits plus courants, moins techniques comme les chaussures de sport ou certains vêtements qui sont des bestsellers dans d’autres régions du monde, ont plus de mal à trouver leur public. Nous avons découvert à nos dépends que pour avoir du succès, un pantalon de yoga pour femme devait avoir une certaine coupe…
Nous sommes déjà en train d’ajuster les gammes de produits concernées pour mieux coller aux attentes locales. Etant donné que notre chaine de fabrication est très intégrée, ce sont des ajustements relativement facile à implémenter.
En tant que CIO, vous avez mis en place beaucoup de nouvelles technologies, du robot pour faire l’inventaire, aux caisses « cashless ». Pouvez-vous nous en parler ?
Tout est parti d’un constat assez simple : quelle que soit l’expérience que vous avez pu fournir à vos clients pendant le processus d’achat, la qualité du conseil dont ils ont pu bénéficier en rayon, le fait de leur imposer de faire la queue au moment de payer n’est pas satisfaisant. Passer cinq ou dix minutes pour régler ses achats le temps que le caissier scanne chaque produit n’est pas agréable et parfois même décourageant.
Il faut s’adapter aux attentes du consommateur et c’est là qu’intervient la « caisse cashless ».
Le principe est très simple : après avoir mis ses articles dans son panier, le client glisse le-dit panier dans une caisse cashless, sorte de meuble en bois. On peut les trouver soit à l’entrée du magasin, soit dans les rayons… Nos meubles sont mobiles en fonction de l’affluence.
En quelques secondes, le système qui se trouve dans le meuble, lit les étiquettes RFID qui sont sur chacun des produits.
Intervient alors un conseiller -il y en a toujours un près des meubles caisses ; il prend son portable pour lire le QR Code qui identifie le meuble en question, le portable charge le détail des achats scannés et le montant du ticket de caisse. L’acheteur n’a plus qu’à présenter sa carte de crédit… Voilà, c’est fait, c’est payé… une ou deux minutes… efficace. L’accueil est très positif de la part des clients.
Et ces robots que l’on croise dans les rayons ? A quoi servent-ils ?
On a démarré l’inventaire robotisé dans le magasin de Market St en partenariat avec une start-up locale, Simbe Robotics et Tally son robot mobile. Ensemble, nous avons ajusté l’outil et finalement mis au point une solution qui correspondait à nos besoins. Tally arpente les allées pendant les heures d’ouverture des magasins et lit les RFID pour nous renseigner sur l’état du stock en rayon.
Je suis fier de pouvoir dire que notre inventaire est robotisé à 100% avec un taux de fiabilité de 99%, le tout en temps réel.
Tally est complètement intégré dans le paysage et déclenche même une certaine curiosité chez les plus jeunes…
L’environnement de la Silicon Valley a-t-il joué un role pour mettre en place toutes ces nouveautés ?
Clairement, oui. J’ai une petite équipe de seulement six personnes pour l’ensemble de ce projet et l’environnement local m’a permis d’aller beaucoup plus vite qu’ailleurs.
L’esprit d’entreprendre est tel, qu’ici quand un grand groupe comme Decathlon va voir une start-up, et lui propose un partenariat pour mettre au point sa nouvelle technologie, elle n’a pas peur. Elle est même ravie de pouvoir mettre en avant une implémentation concrète.
Comptez-vous implémenter ces nouvelles technologies dans d’autres régions du monde ?
Pour dupliquer les technologies que l’on développe ici, il faudrait faire évoluer nos systèmes d’informations historiques. La complexité est telle, que pour l’instant nous n’avons pas de projet dans ce sens.
D’après vous, quel est l’avenir du point de vente physique ?
Les Etats-Unis ont un retail un peu ennuyeux. Quand on regarde les grands magasins ou les centres commerciaux cela ne fait pas très envie… c’est un peu vieillot. Je suis pourtant convaincu que le point de vente n’est pas mort et la voie est libre pour des expériences différentes. Par exemple, pourquoi ne pas mixer le grand point de vente classique avec des points de vente plus petits qui auraient une gamme de saison ou seraient éphémères ? On a beaucoup de choses à tester et notre emplacement de Market St peut s’y prêter…
D’autres Decathlon en perspective sur les Etats-Unis ?
Pour l’instant non, nous estimons ne pas avoir fait le tour de la Baie… Alors on va se concentrer sur cette dernière avant d’aller ailleurs.
Merci Decathlon